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La remonté de bénéfices à l’étranger

Quand une entreprise française remonte (trop) de bénéfices à l’étranger, sans vraie raison économique, cela finit rarement bien. L’administration fiscale veille au grain, et elle dispose d’un outil redoutablement efficace : l’article 57 du Code Général des Impôts (CGI).

Son but ? Empêcher les transferts « déguisés » de bénéfices vers des sociétés étrangères (offshores), souvent situées dans des pays à fiscalité avantageuse. Le tout en réintégrant ces montants dans le résultat imposable en France.

Qui est concerné par l’article 57 du CGI ?

Principalement, les entreprises établies en France, soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu (BIC), et qui entretiennent des relations avec des entités étrangères sous leur contrôle (ou l’inverse).

L’administration doit prouver ce lien de dépendance, sauf dans deux cas où elle n’a même pas besoin d’en faire la démonstration :

  • Si les transactions sont faites avec une société située dans un paradis fiscal (pays à fiscalité nettement plus avantageuse qu’en France, comme Dubaï, Les Seychelles…)
  • Si la société étrangère est située dans un État ou territoire non coopératif (ETNC), sauf si l’entreprise peut prouver que tout est parfaitement justifié économiquement

Dans ces cas-là, la présomption est posée d’office : à vous de prouver que tout est réglementaire.

Comment repère-t-on un transfert indirect de bénéfices ?

L’administration regarde surtout si une entreprise française est trop « généreuse » envers une autre entreprise, sans raison valable.

Par exemple :

  • Un prix de vente trop bas (ou d’achat trop élevé) entre deux sociétés liées
  • Un prêt sans intérêts, ou à un taux très avantageux
  • Une créance abandonnée sans logique économique
  • Des services rendus gratuitement à une filiale étrangère dans un pays à faible imposition

Méthodes de détection :

L’administration compare les prix pratiqués avec ceux :

  • d’autres entreprises indépendantes (comparaison interne),
  • ou d’acteurs similaires sur le même marché (comparaison externe).

Si les écarts sont trop importants et sans justification économique sérieuse, les montants peuvent être réintégrés dans le bénéfice imposable en France.

Une présomption, mais pas une fatalité

L’avantage « anormal » détecté par l’administration est présumé être un transfert déguisé. Bonne nouvelle : ce n’est pas irréfutable. L’entreprise peut se défendre.

Comment prouver sa bonne foi ?

Quelques arguments solides peuvent faire la différence :

  • L’avantage consenti a une contrepartie réelle, comme une prise de marché à l’international
  • Les prix de transfert sont cohérents avec ceux du marché
  • Les opérations ont une logique économique, autre qu’un objectif de payer moins d’impôts

Et si l’article 57 ne s’applique pas ? L’administration a un plan B. Elle peut requalifier certaines opérations en acte anormal de gestion. Cela suppose qu’elle prouve :

  • Que l’entreprise française a accordé un avantage sans justification
  • Que la valeur facturée est inférieure à la valeur réelle

Sanctions, retenues à la source et paperasse obligatoire

Retenue à la source : attention au retour de bâton

Si les bénéfices sont requalifiés en revenus distribués à l’étranger, cela peut déclencher :

  • Une retenue à la source sur ces sommes,
  • Une majoration jusqu’à 75 % si l’argent est parti vers un pays figurant sur la liste noire des ETNC.

Une procédure de régularisation est possible (article L 62 A du LPF), sauf si le bénéficiaire est domicilié dans un ETNC.

Prix de transfert : obligation de documentation

Si vous faites partie d’un groupe international, il vous faut une documentation béton, prévue par les articles L 13 AA et L 13 AB du LPF :

  • Une analyse des méthodes de fixation des prix
  • Une justification économique des transactions intra-groupe
  • Et si le chiffre d’affaires consolidé dépasse 750 millions d’euros, un reporting pays par pays (CbCR) s’impose

Si vous n’avez de documentation sur vos prix de transfert, l’amende peut monter jusqu’à 50 000 € par exercice fiscal.

Comment éviter les ennuis avec le fisc ?

Voici quelques réflexes de bon sens :

  • Documentez vos prix de transfert à l’avance (pas après le contrôle)
  • Appuyez-vous sur les lignes directrices de l’OCDE
  • Mettez en place une vraie politique de prix de transfert, claire, défendable et bien archivée
  • En cas de doute, négociez un accord préalable (APA) avec le fisc pour sécuriser votre méthodologie

Conclusion

L’article 57 du CGI, c’est un peu le radar fiscal des flux internationaux : discret, mais redoutablement efficace. Si vous jouez à déplacer vos profits sans justification, l’administration vous retrouvera tôt ou tard.

La clé, ce n’est pas d’être invisible, mais d’être prévisible, transparent et bien documenté.